7ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 13 février 2022Miséricordieux comme le Père
Homélie
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En écoutant l’Évangile de ce dimanche, Beaucoup peuvent se dire que c’est le monde à l’envers ; il accumule des situations impossibles à gérer au premier abord : aimer ses ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, prier pour ceux qui nous calomnient, présenter l’autre joue à celui qui a frappé la première. Nous vivons dans un monde où beaucoup ne pensent qu’à se faire justice.
Pour comprendre cet Évangile, c’est vers le Christ qu’il nous faut regarder : il a été harcelé tout au long de son ministère ; il a été rejeté, humilié et condamné à mourir sur une croix. Sa dernière prière a été : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Son amour est allé jusqu’au pardon et au don de sa vie. Lui-même nous demande de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés (Autant qu’il nous a aimés).
Nous ne devons jamais oublier que l’Évangile c’est d’abord le livre de la miséricorde de Dieu. C’est en le lisant et en le relisant régulièrement, nous découvrons cette révélation : tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de cette miséricorde du Père. Il a accueilli les exclus, il a pardonné ; il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Il est venu nous combler de la surabondance de son amour, et tout cela sans mérite de notre part.
Mais tout n’a pas été écrit dans ce livre. L’Évangile de la miséricorde reste un livre ouvert ; il doit être rempli de tous les signes d’amour du Christ. Ces gestes concrets d’amour que nous sommes appelés à donner sont le meilleur témoignage de la miséricorde. C’est ainsi que nous deviendrons des témoins vivants de l’Évangile, des porteurs de la bonne nouvelle. C’est à notre amour que nous serons reconnus comme disciples du Christ. Comment parler de la miséricorde de Dieu si nous-mêmes nous ne pardonnons pas ?
Certes, nous pouvons nous interroger : sommes-nous capables d’être miséricordieux comme le Père ? Pouvons-nous nous comporter, dans le monde actuel, comme Jésus, le Christ ? Ce qui paraît impossible aux hommes, laissés à eux-mêmes, est possible à Dieu. Oui, nous le pouvons, si nous nous laissons transformer par l’Esprit Saint ; il est la force de Dieu à l’intime de nous-mêmes ; il est puissance de vie pour le corps du Christ, l’Église du Seigneur.
Cette vérité, nous la déclarons dans la préface pour la réconciliation : « Dieu, Père tout-puissant…, ton Esprit travaille le cœur des hommes pour que les ennemis se parlent à nouveau, les adversaires se tendent la main, et que les peuples cherchent à se rencontrer. Oui, c’est ton œuvre, Seigneur, quand l’amour l’emporte sur la haine, quand la vengeance fait place au pardon, et la discorde se change en amitié. »
« Son amour est de toujours à toujours » (psaume 117/118). C’est vrai, la miséricorde de Dieu est éternelle. Elle ne finit pas ; elle ne s’épuise pas ; elle ne se fatigue jamais ; elle nous apporte force et espérance dans les moments d’épreuves. Nous sommes certains que Dieu ne nous abandonne jamais. Nous devons le remercier pour ce si grand amour qu’il nous est impossible de comprendre : Dieu a oublié nos péchés, il les a pardonnés ; et aujourd’hui, il nous invite à en tirer les conséquences.
Pour cela, deux attitudes sont nécessaires : reconnaître nos propres torts et oublier les offenses des autres. Tout au long de sa vie et surtout au moment de sa Passion, Jésus n’a eu d’autre attitude que celle de l’amour et de la miséricorde. Avant de mourir, il a eu cette prière : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34). Nous ne devons pas recevoir cet Évangile comme une simple leçon de morale. Ce que Jésus nous dit, il l’a vécu. Il attend de nous que nous ayons le même regard que lui, les mêmes sentiments et les mêmes gestes que lui à l’égard des bons et des méchants. Son amour pour nous et pour le monde est comme un feu qui vient brûler nos rancœurs, nos rancunes et toutes les formes de violences qui empoisonnent notre vie.
La prière de saint François d’Assise nous inspire toujours : « Seigneur, fais de moi un artisan de paix ; là où il y a la haine, que je mette l’amour ; là où il y a l’offense, que je mette le pardon ; là où il y a le mensonge, que je mette la vérité, etc. »
Déjà, au temps de la première alliance, David a eu un comportement exemplaire, digne de Dieu. David, jalousé par le roi Saül, a la grandeur d’âme de demander à son compagnon d’arme d’épargner Saül. David agit en artisan de paix. Ainsi, loin de perdre pied, laissons descendre en nos consciences ces paroles inouïes : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. »
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« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. » (Lc 6:27-30) Une fois de plus, la Parole de Jésus nous surprend. Son enseignement va bien au-delà de nos limites ! C’est déjà terriblement difficile ‘d’aimer le prochain comme soi-même’ (Mc 12:31) comme Il nous le recommande. En plus de cela, Il nous exhorte à ‘aimer nos ennemis’ !
Emboîtant ses pas, Jésus nous recommande une attitude de cœur fort exigeante. Il nous place ici dans une situation particulièrement inconfortable… Bien-sûr, c’est le devoir de tout chrétien d’être prêt à rendre service et à aller au devant des attentes des autres pour leur porter secours, mais delà à ‘aimer nos ennemis et faire du bien à ceux qui nous haïssent’, il y a un très grand pas à franchir, bien au-delà de l’altruisme ! Le pardon accordé à la personne qui nous blesse constitue déjà un acte considérable. Faire du bien à un ‘ennemi’ qui nous bafoue demande un dépassement de soi presque insurmontable. Pour la plupart d’entre nous, cela dénote une faiblesse de caractère ! Nous considérons que c’est déjà bien assez d’accepter certaines tribulations au nom de la charité chrétienne, mais delà à ‘tendre l’autre joue’ à celui qui nous frappe dépasse ce dont nous sommes capables ! Oui, notre orgueil ne supporte pas d’être humilié, meurtri… En effet, c’est une folie que de se laisser battre sans opposer aucune défense, et surtout, sous une apparence d’impuissance, de donner l’occasion à notre adversaire de poursuivre son agression. C’est dans notre nature de rendre coup pour coup, de faire payer le prix fort à celui qui nous fait du mal. Et au lieu de cela, Jésus nous demande de dépasser notre instinct naturel de vengeance. « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Œil pour œil, et dent pour dent.’ Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. » (Mt 5:38-39) C’est tout simplement inouï !
Mais qu’on ne s’y trompe pas, la non-violence est une force. Y ajouter en plus l’amour, elle sera invincible ! La vengeance est un acte de pure rétorsion, elle ne répare jamais rien. Son intention n’est pas de réparer mais de causer un autre tort, en pensant que ce dernier pourrait laver l’affront du premier. Elle vise seulement à faire souffrir l’auteur d’un mal, rejoignant l’antique loi du talion ‘œil pour œil dent pour dent’. Jésus nous pousse à aller jusqu’à l’ultime étape du pardon, à aimer nos ennemis ! C’est l’unique moyen pour abattre les barrières et reconstruire une bonne relation. Il nous invite à sortir de l’esprit légaliste pour accéder à une autre attitude, celle d’un cœur humble et patient qui peut placer le violent face à sa conscience et le désarmer. Jésus place la barre très haut dans le domaine de l’Amour. Il nous invite à la grandeur d’âme ! « Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. » (Lc 6:35) C’est bien cette gratuité et cette générosité qui feront de nous les disciples du Christ. Cette approche peut ouvrir un champ de réflexion à notre opposant !
‘Mais je n’ai pas d’ennemi !’, dirions-nous. Pourtant, les ‘ennemis’ dont parle Jésus ne sont pas si lointains. Car un jour ou l’autre, des personnes que nous aimons nous blesseront. À nos yeux, elles deviendront en quelque sorte nos ‘ennemis’ ! Et c’est loin d’être facile, en ces moments-là, de les garder dans notre cœur… Plus difficile encore quand nous avons été gravement offensés. Avouons que, la plupart du temps, pour éviter tout conflit, nous avons tendance à afficher tout simplement une certaine froideur ! Et nous considérons que c’est déjà largement suffisant… Mais, Jésus nous encourage à pousser plus loin notre effort : « Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. » (Lc 6:35) Aimer sans rien attendre en retour ! La noblesse de cœur !…
« Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. » (Lc 6:31) La règle d’or. La base même des valeurs humaines. La manière dont nous voudrions être traités dicte la conduite que nous devrions avoir envers les autres. Saint Paul nous conseille : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire : en agissant ainsi, tu entasseras sur sa tête des charbons ardents. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (Rm 12:21) De la sorte, en même temps que nous nous mettons la paix dans l’âme, nous invitons ceux qui nous font du mal à réfléchir sur leur acte. Nous briserons ainsi le cercle de la violence. « Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. Autant que possible, pour ce qui dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. » (Rm 12:17-18) Les relations seront complètement changées entre les personnes, entre les groupes, entre les nations.
Jésus nous exhorte à sortir de l’ordinaire pour accéder à la quintessence du cœur : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants. » (Lc 6:32-35)
Nguyễn Thế Cường Jacques